Hier après-midi, nous étions présentes avec Fatya Ammad devant l’inspection académique à l’appel de pratiquement toutes les organisations syndicales de l’enseignement primaire et secondaire pour soutenir les enseignant·e·s dans leurs revendications.
58 suicides déclarés en 2018-2019 dans l’Éducation nationale !
Une situation doublement inacceptable.
D’une part pour les personnels soumis à des formes de management brutales et autoritaires qui leur imposent un rythme et une organisation du travail en contradiction avec leur mission d’éducation.
D’autre part, pour les enfants et les jeunes exposés eux aussi à la violence d’une institution mise au service des ambitions de ministres de l’éducation nationale qui poursuivent le même projet politique.
Lequel ? « Libéraliser le marché de l’éducation », ainsi que le préconisait dès 1998 la directive de Bologne. Ce qui signifie en langage courant intégrer l’éducation à l’économie capitaliste ou encore permettre aux investisseurs (ceux qui possèdent du capital) de faire de l’argent avec l’éducation. Pour se faire il faut bien commencer par détruire le service public d’éducation, donner une raison au plus grand nombre de familles possible de quitter l’école publique et mettre leurs enfants dans le privé. Un privé largement subventionné par de l’argent public mais dont tout une partie de la population sera durablement exclue. Les classes populaires n’auront bientôt plus accès qu’à des écoles publiques dégradées et la ségrégation qui les frappe sera renforcée. Tandis que les classes moyennes, dans le but d’assurer à leurs enfants la meilleure scolarité possible, se priveront d’une part substantielle de leur revenu pour payer la scolarité de leurs enfants. Quant aux classes supérieures, elles se répartiront entre les grandes écoles privées qui assureront à leurs enfants sinon une bonne éducation au moins un réseau à même de garantir ensuite leur insertion sur le marché du travail à un niveau élevé de responsabilité et de rémunération. L’élite culturelle continuera de fréquenter les quelques écoles publiques prestigieuses essentiellement situées dans les centres des grandes métropoles, elle sera bientôt la seule à bénéficier d’une école publique gratuite encore capable de remplir ses missions.
Les dindons de la farce : l’essentielle de la population, privée d’un service public d’éducation qui constitue pourtant le socle de notre démocratie depuis deux siècles.
L’école publique est depuis son origine tiraillée entre :
– sa soumission aux intérêts du capital : au 19ème siècle, il s’agissait de former de bons ouvriers pour l’industrie fleurissante
– sa mission émancipatrice : former des êtres humains capables de penser leur existence et de construire chaque jour les conditions d’une vie sociale qui nous garantisse le bonheur et la dignité.
L’école émancipatrice, celle que je défends, accorde aux enfants le bénéfice de leur jeunesse et leur permet d’accéder sans humiliation sans brutalité au plaisir intense que procure le savoir quand il est mis au service de notre humanité. L’école émancipatrice accorde aux enseignants les moyens et la confiance nécessaires pour qu’ils puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles. Elle garantit à chacun de pouvoir donner le meilleur de lui-même et ainsi concourir au bonheur de tous.
Bénédicte Monville