Que ne ferait-on pas pour faire parler de soi à la télé ! Comme chaque année au mois de décembre, la mairie s’amuse à provoquer dans la rubrique faits d’hiver : une crèche de noël est installée dans l’enceinte de la mairie depuis ce matin, 13 décembre. Cette année, elle n’est pas placée sous une tente ou un chalet en bois dans la cour. Les mêmes personnages recyclés tous les ans (rois mages et sainte famille, manque juste qui vous savez) sont disposés dans un recoin de l’hôtel de ville, juste en face de l’entrée de la police municipale. Quel symbole, au passage.
Les années précédentes, ces démonstrations contraires aux exigences du principe de neutralité qui s’impose à l’Etat et ses entités locales ont été dénoncées au tribunal administratif de Melun par la Fédération des libres penseurs ; elles ont même été jugées illégales en 2015 par le Conseil d’État. Mais en vain. Malins, les apôtres municipaux de cette « tradition de noël » relookée ont argué tous en choeur du symbole « culturel » et « festif » que constituerait cette crèche. N’ayant point peur du ridicule, ils ont été jusqu’à placer un brie de Melun en guise de présent au divin enfant, afin de donner à croire qu’il s’agit d’un folklore local… « Il est puissant », n’est-ce pas ?!
Selon la mairie, cette démarche ne relèverait pas du prosélytisme religieux. C’est néanmoins se ficher du monde. Tout le monde le sait, que c’est d’origine chrétienne et encore pratiqué comme tel par les fidèles. Les fêtes de noël sont déjà hyper présentes dans la ville : sapin géant en lieu et place de la statue de Jacques Amyot dans la cour de la mairie, guirlandes et décos serties de LED aveuglantes un peu partout dans la ville, animations les samedis, bientôt une patinoire géante… Il fallait donc rajouter cette touche, bien faite pour agiter les gazettes et susciter la conversation. Ou contenter un public de croyant.e.s.
Jouer avec les symboles, cela présente un immense intérêt pour les fabricants d’opinion : ça divertit l’attention tandis que les vrais problèmes, eux, sont passés sous silence et ignorés. On joue ainsi de la nostalgie des fêtes enfantines par des fictions « culturelles », on exacerbe les valeurs de la sainte famille, dans un simulacre de concorde universelle, pendant que le tissu social se désagrège ici comme ailleurs. Le tout à l’hôtel de ville donc, avec le budget public de la ville, qui est la maison de tou.te.s les Melunais.e.s, dont beaucoup ne fêtent pas noël et ne croient pas dans le Dieu qui est signifié à travers cette tradition.
Qu’on soit clair : chacun est évidemment libre de fêter noël comme il l’entend à la maison. Les citoyen.ne.s de la République française ont tout loisir de s’adonner à des cultes religieux selon les règles d’une laïcité que l’on aimerait inclusive, apaisée et souple. Mais les institutions publiques n’ont pas vocation à se faire le relai visible de ces traditions qui, qu’on le veuille ou non, qu’on les ravale sous l’angle culturel ou festif, demeurent chargées de symboles cultuels. Ce serait hypocrite et mensonger de dire que c’est purement festif. Et c’est pourquoi, à l’inverse, il nous pourrait nécessaire de rappeler le principe légal d’un devoir de neutralité de l’Etat devant les cultes. Pas rabat-joie pour un sou, cela ne nous empêchera pas, on l’aura compris, de souhaiter de bonnes fêtes à toutes et tous.
Bénédicte Monville, Arnaud Saint-Martin, Caroline Meslier, Cécile Prim et Fatiya Mothay
Le maire de Melun ne respecte pas les décisions de justice.
En 2012, après que les libres penseurs et quelques opposants municipaux eurent protesté pendant de nombreuses années, la justice s’est enfin saisie de l’affaire dite de la crèche de noël dans la mairie. Une crèche de Noël c’est en effet, malgré toutes les contorsions de langage, un objet religieux et comme tel il ne devrait pas être associé à la République.
En 2016, après toutes les péripéties de la justice, le Conseil d’État, instance la plus élevée de la juridiction administrative, auprès de qui le maire lui-même avait interjeté appel, a rendu sa décision finale (arrêt 395122 du 21 octobre 2016). Il a clairement condamné le maire de Melun et interdit sa crèche de noël dans le jardin de la mairie.
En 2018 et en 2019 que fait le maire de Melun ? Il réinstalle sa crèche exactement au même endroit qu’en 2012, avec exactement les mêmes personnages religieux.
A quoi sert donc une décision de Conseil d’État ? Les citoyens qui veulent que la séparation des églises et de l’État, principe fondamental de la République soit respectée doivent-ils intenter tous les ans un procès au maire de Melun ?
Merci pour votre commentaire. Le prochain conseil municipal a lieu jeudi. Je dirai tout ça. BM