Madame,
Merci de nous avoir fait suivre ce courrier.
A cette lecture et avec tout le respect que je dois à M. Septiers, un élu, je ne peux m’empêcher de vous tenir au courant des faits suivants :
1) En ce qui concerne les mineurs :
– Une demande de rendez-vous avec « Jeunes Errants » plateforme missionnée et rémunérée par le Conseil Départemental77, peut prendre actuellement jusqu’à 7 semaines. Ce rendez-vous est pris par la Maison Départementale des Solidarités à la demande, le plus souvent du Secours Catholique de Melun, ou la Ligue des Droits de l’homme et d’autres encore, soit que le jeune ait été ramassé par une maraude organisée, soit qu’il soit venu frapper à la porte ou encore que ce soit la police qui le signale.
Que fait-on du mineur jusque là? Des bénévoles des associations humanitaires les accueillent à leur domicile, et à leurs frais, parce qu’il est impossible de laisser un mineur à la rue
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2) Une fois passer à Jeunes Errants, le plus souvent, le mineur reçoit une lettre de refus motivée du CD77. Quelques raisons de refus :
– Son certificat de naissance est probablement faux. Qui a vérifié? L’expérience et notre ténacité montrent que lorsque nous recherchons, dans le pays d’origine, un jugement supplétif d’acte de naissance, puis que nous accompagnons le jeune à son Consulat, il obtient une carte consulaire qui garantit la date de naissance. Le juge des enfants ne s’y trompe pas puisqu’il prend une ordonnance de placement à l’Aide Sociale à l’Enfance. Encore que nous recommandons aux bénévole, maintenant, d’accompagner le mineur à son Consulat lors de la remise de la carte consulaire puis de faire une attestation sur l’honneur qu’ils étaient présents lors de cette remise, afin d’éviter, qu’à nouveau, le document puisse être contesté. Tout cela à un coût, le plus souvent supporté par nos associations et nos bénévoles. Cela peut prendre près de quatre à cinq mois pour obtenir les papiers nécessaires. Qui prend en charge le mineur dans cette attente? Toujours les bénévoles!
– Le jeune est rasé de près, il n’est donc pas isolé ». Premièrement, le mineur en question est totalement imberbe. Deuxièmement en France, l’isolement d’un mineur étranger se définit selon la loi par le fait de ne pas avoir de représentant légal sur le territoire.
– « Le jeune est propre et a des vêtements propres, il n’est donc pas isolé ». Nous devons dire à nos bénévoles de ne plus laisser le mineur se laver pendant plusieurs jours et de mettre des vêtements sales avant d’aller à Jeunes Errants autrement le mineur paie le prix de notre solidarité et de notre citoyenneté.
Lorsque le mineur est pris en charge sur une ordonnance de placement provisoire du juge : Le CD77 fait une demande de tests osseux. Comme vous le savez, le référentiel de comparaison de ces tests a été élaboré entre 1932 et 1942 sur une cohorte d’enfants américains. En 2014, le Haut Conseil de la santé publique rappelait que « la maturation d’un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique » et son régime alimentaire, et pointait le manque de fiabilité de cette méthode. le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a aussi émis un avis très critique. Le défenseur des Droits Jacques Toubon réitérait son « opposition aux examens d’âge osseux qu’il estime inadaptés, inefficaces et indignes ».
je ne nie pas qu’ils existent des resquilleurs, avec des faux papiers, mais est-ce une raison pour en faire porter le poids à tous les mineurs étrangers?
3) Les mineurs isolés demandeurs d’asile :
– En ce qui concerne les mineurs isolés dont l’histoire justifie d’une demande d’asile. Si la minorité n’est pas reconnue par le CD77, il n’a pas de représentant légal en France. Majeur pour le CD77 mais mineur pour l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégratio , du fait d’un simple acte de naissance du pays d’origine, un administrateur ad’hoc est obligatoire d’après la loi. Seul, le procureur peut le nommer. Seulement voilà, impossible d’obtenir cette nomination, donc la demande d’asile ne pourra pas être présentée.
– Tout dernièrement, un jeune majeur arrivé depuis plus longtemps qui a pu obtenir, de Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, la « Protection Internationale » pendant qu’il était mineur et placé dans un service d’accueil de l’ASE, a dû quitter ce service le jour de ses 18 ans comme les autres, sans hébergement, sans revenu, sans rien du tout. Bien que protégé par l’Etat français, il n’a droit qu’au séjour sans aucunes aides sociales puisqu’il n’a pas 25 ans. Comment peut-il s’intégrer en France?
En ce qui concerne la prise en charge des mineurs par l’Aide Sociale à l’Enfance :
Comment fonctionne le système ?
Le Conseil Départemental 77 est en charge de tous les mineurs, sans distinction de nationalité, religion, couleur de peau et autres. L’Aide Sociale à l’Enfance est son bras droit dans cette mission donnée par l’Etat. Comme l’Aide Sociale à l’Enfance n’a plus de places disponibles, le CD77 lance des appels à projet pour la prise en charge des mineurs étrangers. Parmi les services d’accueil du social, ayant pignon sur rue, des logements sociaux, des services d’accueil d’urgence, ce sont ceux qui proposent au CD77 l’offre de prise en charge la moins chère qui remportent les marchés. Actuellement le tarif est 50 euros/jour/enfant. Les conséquences sont dramatiques, ex : manque de personnel récurrent (un gamin de 15 ans a été oublié dans un hôtel marchand de sommeil, pendant 4 jours, sans nourriture). Un autre s’est cassé le poignet un dimanche (l’os sortait, sans que la fracture soit ouverte), il est allé voir son référent : pendant 4 jours, il a reçu du doliprane sans voir un seul médecin. Un bénévole de nos associations humanitaires, alerté, a dû se fâcher pour qu’il soit accompagné aux urgences où il a été plâtré. La nourriture fait gravement défaut, ex : 5 tickets restaurant de 7,50 euros par semaine et à la condition que le mineur soit disponible lors de la remise des tickets. Il est évident que le samedi et le dimanche n’existent pas. Pour certains c’est encore pire que cela. L’accompagnement éducatif est on ne peut plus que léger. L’accompagnement juridique, afin que le mineur ait une compréhension de sa situation est inexistant. L’aide à l’obtention de papiers d’identité (passeport) qui conditionneront l’obtention d’une carte de séjour à la majorité est tout à fait aléatoire. S’ils reçoivent de l’argent de poche (60 euros/mois plus 30 euros par trimestre), ils doivent avec compléter leur alimentation, se vêtir, payer leurs fournitures scolaires et surtout prévoir que leur carte de séjour ne sera par gratuite : entre 350 et 400 euros selon le cas. Par ailleurs, de l’argent peut être retenu chaque mois par le service d’accueil en question afin de financer les papiers d’identité et carte de séjour. Curieusement aucun reçu n’est demandé ou donné et les jeunes disent que le compte n’y est pas lorsqu’ils sortent à 18 ans. Finalement, lors de leurs sorties des services d’accueil missionnés par le CD77, ils devront payer la carte de séjour à laquelle ils ont droit de par la loi, avec ce qu’ils ont pu mettre de côté tout seul. Et souvent même, il faut que les associations humanitaires les aident ou les bénévoles lorsque ces dernières n’ont plus de moyens financiers possibles.
En ce qui concerne la scolarité des mineurs et jeunes majeurs :
Nous nous épuisons, nous bénévoles d’associations humanitaires, à faire des dossiers d’aide juridictionnelle et des dossiers en référé. Le juge des référés prend des ordonnances contraignantes mais le CD77 fait appel. Un jugement sur le fond prend énormément de temps. Et dans cette attente, que peut faire le jeune majeur? Que faire aussi lorsqu’encore mineurs, le CD77 refuse de signer les contrats d’apprentissage? Désormais, le juge exige que la personne représentant le CD77 signe les contrats en sa présence. Certains de ces jeunes majeurs nous apprennent même qu’ils n’ont pas été scolarisés du tout pendant leur prise en charge par l’ASE (donc le service d’accueil qui a répondu à l’appel d’offre du CD77). D’autres nous parlent de menaces et d’humiliations parce qu’ils ont osé aller devant le juge.
La question est donc : Qui contrôle ces services sous associations loi 1901, qui ont répondu aux appels d’offre du CD77?
Dans une EHPAD, un hôpital, des foyers de personnes handicapées, en psychiatrie, ils existent des commissions régulatrices qui peuvent contrôler ce qu’il se passe. C’est même ainsi que tel ou tel peut avoir à répondre de ses actes. Mais là, pour ces mineurs placés en service d’accueil, ou jeunes majeurs repris par un service d’accueil sur ordonnance du juge des référés ou du juge des enfants, il n’y a rien de rien !!!
Nous avons coutume de dire que si des parents français agissaient de cette façon avec leurs enfants, ils seraient arrêtés et les enfants placés à l’ASE. Mais que peut-on faire lorsqu’ils sont déjà à l’ASE?
Tous les bénévoles sont inquiets par l’hiver qui va arriver car malgré tous les efforts, il est difficile de mettre tous ces mineurs et jeunes majeurs à l’abri. Ils faut qu’ils mangent, qu’ils aient un endroit ou dormir. Ils deviennent, de ce fait, des proies rêvées pour tous les réseaux : prostitution, vols organisés, radicalisation, drogue.
A tous ces jeunes viennent s’ajouter les familles avec enfants ou les célibataires, demandeurs d’asile, les déboutés, …. qui dorment dans les bois de Maincy à Melun ou dans ceux de Fontainebleau. Même une femme enceinte de 7 mois, justifiant d’une demande d’asile ne peut obtenir quelque chose du 115, sans oublier les mamans avec de très jeunes enfants ou celles qui ne peuvent rester en maternité et qui ressortent avec un bébé sur les bras et sont à la rue elles aussi.
Pardonnez-moi d’avoir été aussi longue, j’ai 69 ans, et je ne croyais pas voir des choses pareilles dans mon pays. L’argent, la dette de la France n’expliquent pas tout car de l’argent nos élus, à tous les niveaux jusqu’à la tête de l’Etat, en trouvent pour des dépenses qui n’ont pas lieu d’être lorsque la dignité et la survie d’un être humain est en jeu. Il nous manque un abbé Pierre pour rappeler, aux citoyens comme aux élus, à leur devoir.
Respectueusement vôtre,
Claudine Nesnard
Bénévole de l’association De loin en Loing, solidarité migrants
Cette lettre a été publiée avec l’accord de son auteur et nous l’en remercions vivement
Pour lire les lettres de M. Septiers et Mme Monville cliquez sur ce lien : https://bienvivreamelun.org/nos-lettres/