Stratégie régionale pour la forêt et le bois 2018-2021, Intervention Bénédicte Monville-De Cecco

Séance plénière du conseil régional des 23 et 24 novembre 2017

Rapport CR 2017-185 : Stratégie régionale pour la forêt et le bois 2018-2021

Intervention Bénédicte Monville-De Cecco
Groupe AES (Alternative écologiste et sociale)

Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et messieurs les élu.es,

Ce rapport qui énonce la stratégie régionale pour la forêt et le bois part d’un constat que nous partageons. La forêt qui s’étend aujourd’hui sur 1/3 du territoire national et 1/4 du territoire francilien et compte quelques 126 espèces d’arbres constitue un formidable trésor. Pour autant, le défaut d’une politique industrielle concertée explique que la filière hexagonale de gestion de la forêt représente 12% du déficit commercial de notre pays et qu’elle ait inexorablement perdu au plan national des dizaines de milliers d’emplois depuis trente ans.

Parmi les raisons qui expliquent cette situation, votre rapport souligne les difficultés liées à l’émiettement de la forêt entre une multitude de propriétaires privés, sa sous- exploitation mais aussi et c’est à mon avis un point sur lequel votre rapport n’insiste pas assez la vente directe de bois brut sur un marché mondialisé qui a détruit la filière des scieries. Notre pays comptait 7000 scieries en 1970, il n’en reste que 1600 sur le territoire nationale et, à en croire votre rapport, une seule en IDF. La mondialisation a abouti à la destruction d’une filière en circuit court qui existait jusque dans les années 70. Et, à une perte de la culture du bois de la part d’industriels qui n’avaient plus à se soucier de gestion forestière. Car, au contraire de l’Allemagne ou du Gabon, la France n’a pas interdit l’exportation de grumes ou troncs bruts non sciés. De ce point de vue, nous regrettons que vous ne vous engagiez pas à porter l’exigence d’une nouvelle réglementation en ce sens. Tout comme vous ne proposez aucune solution à l’éparpillement de sa propriété et aux difficultés de gestion que cela induit.

Nous partageons votre souci de replacer la forêt au cœur de la stratégie de développement de notre région en créant les conditions du développement d’une filière forêt-bois à l’échelle régionale et interrégionale. Nous avons bien noté aussi la reconnaissance des services écologiques que rend la forêt à notre écosystème entre autre en absorbant et, par conséquent, en limitant nos émissions de CO2.

Cependant, votre rapport fait l’impasse sur au moins deux dangers immédiats qui menacent la forêt et par conséquent toute politique industrielle sylvicole.
D’une part, si la filière que vous souhaitez dynamiser peut se trouver renforcée par le développement de la construction en bois et l’incitation à l’usage du bois comme source d’énergie renouvelable, elle se trouvera immanquablement fragiliser par le doublement de la production mondiale de bois d’ici à 2050. Sans une intervention politique qui vise à la protection des circuits courts, plutôt que de continuer à s’en remettre à la main invisible du marché, l’accroissement de la concurrence internationale fragilisera une filière et des conditions sociales déjà insatisfaisantes. Vous n’en faites aucun cas.

D’autre part, il faut attendre l’action n°11 et la p.33 sur 35 de votre rapport pour qu’apparaisse le souci de la préservation de la ressource et que vous parliez enfin, je cite : « de renouvellement de peuplements forestiers voire de création d’espace forestier ». Mais votre rapport ne fixe aucune limite à l’urbanisation de notre région qui, proportionnellement, compte déjà moins de surface boisée que le territoire national. Au contraire, vous encouragez par exemple la construction d’une autoroute qui traversera de part en part le bois de Bréviande en Seine et Marne et portera un coup terrible aux services sociaux et environnementaux qu’il rend aux habitant.es de notre région.

En outre, la forêt est fragilisée par sa vulnérabilité face au changement climatique. Votre rapport n’en parle pas du tout. Au risque d’une gestion de court terme qui envisage essentiellement la forêt comme une réserve de bois ou un puits de carbone et ignore que la forêt est un écosystème complexe dont la préservation passe par la conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestière.
La forêt française, telle que nous la connaissons aujourd’hui est le résultat d’une politique volontariste initiée par Colbert en 1663 qui voulait assurer l’indépendance de la fourniture en bois de la flotte royale. En 2017, le réchauffement climatique, des émissions de CO2 reparties à la hausse, la mondialisation des marchés non régulés auraient dû vous dicter des mesures contraignantes dans la sanctuarisation des bois et forêts d’IDF, de protection des ressources génétiques et de la biodiversité des forêts et des actions qui visent à la protection sur le long terme de la filière industrielle locale que vous souhaitez dynamiser avec le présent rapport.

Si nous sommes favorables à votre rapport, si nous en partageons le constat et les objectifs, nous pensons, qu’il ne se donne pas les moyens de son ambition. Nous espérons qu’il ne s’agira pas seulement d’une stratégie de communication et que vous saurez entendre les manques qui le caractérisent.

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