« La mort et le néant » ou comment soutenir Macron en faisant campagne contre La FI

27 mai 2017

Ceci est une tribune collective

Les résultats de l’élection présidentielle ont été sans appel : le Front National, en net recul dans l’agglomération melunaise, a perdu notamment là où la France Insoumise a récolté plus d’adhésions, à savoir dans les quartiers populaires. Au lieu de partir d’un tel constat, encourageant pour la démocratie, les mêmes partis qui ont scandaleusement flirté avec les idées du FN au cours de la dernière décennie (vous souvenez-vous des recyclages de MM. Sarkozy et Valls ?) et la même presse qui martèle depuis bien trop longtemps le stéréotype haineux et trompeur du couple immigration-ordre public, selon un mode de communication confus et anxiogène, se sont déchaînés sur « l’irresponsabilité » politique de Jean-Luc Mélenchon, parce qu’il n’a pas donné de consigne de vote à ses sympathisants. Son refus du FN était pourtant net et catégorique. Ayant raison de parier sur l’intelligence des électeurs quand d’autres les infantilisent, il les a laissés libres d’exprimer leur voix. Car le risque était grand que le résultat du deuxième tour soit interprété comme un plébiscite pour l’ultralibéralisme macroniste. C’était justifié : malgré un score de 66,1 %, loin d’être sans appel, les commentaires ont fusé sur un prétendu vote d’adhésion au « projet » d’En Marche. On savait bien (c’est l’enseignement de 2002 et de ses multiples déclinaisons, jusqu’aux dernières régionales) que les chances de Marine Le Pen étaient nulles. Or, il n’y a pas eu de raz-de-marée et la grosse caisse médiatique a mal avalé l’importante remontée de l’abstention au deuxième tour.

La dynamique de la FI commence à inquiéter. Le FN en sort affaibli et se présente aux législatives avec la gueule de bois ; la droite et le grand centre, où convergent les premiers rescapés du naufrage du « Costa Concorde » socialiste, craignent un sursaut populaire contre les réformes voulues par le Medef et désormais dans l’agenda du nouveau gouvernement – prêt à les faire passer en force, s’il le faut – ; les résidus d’une gauche d’opposition molle paient lourdement le prix politique de leur opportunisme et gesticulent pathétiquement autour des dernières chaises à occuper, annonçant pour un demain dilatoire une drôle de refondation à l’allure de Phénix. Le discours médiatique anti-Mélenchon reprend vigueur avec une agressivité extrême que l’on prétendrait prêter à celui qui en est la cible. Le recensement par ACRIMED des éléments de langage qui véhiculent à la foi la diffamation et la désinformation nous révèle la mise en œuvre d’une véritable machine à décerveler, digne du père Ubu. L’ensemble des adversaires politiques de la FI préfèrent éviter toute dialectique autour des programmes, pour se vautrer dans un espace de com’ de plus en plus balisé, où les questions de fond sont systématiquement bannies afin de « libérer les énergies » du marketing politique. Les macronistes, les lepenistes, les hollando-hamonistes et certains vétéro-communistes partagent aujourd’hui les mêmes mots d’ordre. Nous l’avons vérifié lors des tractages sur les places de marché : tous lancent les mêmes boules puantes contre les Insoumis, ces « alliés de Maduro », ces « intégristes » qui permettent aux socialistes, lourdement sanctionnés par les électeurs au premier tour de la présidentielle, de se distraire de leur propre errance, tiraillés entre l’héritage honteux du président le plus impopulaire de la 5e République, et l’espoir messianique d’un renouvellement affiché à la primaire de la gauche. Or de fait, ce renouvellement est déjà mort dans l’œuf. Les macronistes, quant à eux, ont beau seriner que la victoire est une formalité, rien n’est joué. Faute d’une majorité à l’Assemblée nationale – et quelle majorité ingouvernable le cas échéant, du PS au MoDem, en passant par le PRG et des LR… –, la soi-disant « révolution » En Marche restera lettre morte.

C’est dans ce contexte de délitement général que le Parti Communiste Français présente une liste aux élections législatives dans la Première circonscription de Seine-et-Marne. Une de plus parmi les dix-sept, une de plus à gauche surtout. Jusque-boutisme irrationnel par loyauté à une discipline de parti aveuglante ? Candidature de témoignage par nostalgie ou pour renflouer les caisses ? Sabotage de la candidature de la France Insoumise ? On hésite dans le diagnostic, mais le résultat, navrant, s’affiche désormais sur la place publique et les panneaux électoraux. La section PCF de l’agglomération de Melun a choisi l’entêtement et se désolidarise de la FI. Elle s’use dans un début de campagne désespéré qui n’a d’autre fin que la conservation de soi. Puisque c’est un point de non-retour, non pas avec les militants communistes mais avec ceux qui se revendiquent de leur parole,nous en prenons acte à présent et pour l’avenir. Et tenons à mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes.

Pour cela rétablissons d’abord les faits, car ces agissements sèment la confusion et menacent une dynamique de mobilisation qui doit encore s’amplifier à l’occasion de ce troisième tour. Suivant le parcours local incarné par Bien vivre à Melun, démarche citoyenne qu’accompagnent Europe écologie-les Verts et le Parti de gauche depuis les municipales de 2014, déjà appuyée par Jean-Luc Mélenchon lui-même, Bénédicte Monville a été investie par la France Insoumise. Bien vivre à Melun, autour de Bénédicte Monville et Claude Bourquard, ses élus d’opposition au conseil municipal de Melun et à la communauté d’agglomération, accomplit un travail de terrain depuis plusieurs années en résonance avec le programme de L’Avenir en commun. Pourtant, les représentants du PCF local ont cru pouvoir imposer, en conséquence et de façon unilatérale, la prééminence de leur candidat, Yves Rémy. Et alors que La FI démentait publiquement lui avoir accordé l’investiture, le candidat communiste continuait de s’autoriser du mouvement.

A ce stade, il n’est pas anecdotique de rappeler que dans le même temps, le PCF a préféré s’allier au PS local au prix de renoncements et de compromis boutiquiers. Le souvenir reste gravé de la visite de soutien de Manuel Valls, alors figure de proue du « renouveau » à droite du PS et aujourd’hui en rase campagne, dans le cadre de la campagne des élections municipales. Les responsables locaux du PCF n’en démordent pas pourtant et clament qu’ils ont soutenu le mouvement de la FI. On peut néanmoins confronter la sincérité de ce soutien à ce que nous avons observé : après un soutien validé d’extrême justesse par les militants de la section, ils ont noyauté un des groupes d’appui locaux de la FI sous couvert de « rassemblement », signe d’une grande méfiance. Ce n’était au final qu’un décalque local des atermoiements de la direction du parti depuis des mois, et en particulier de son secrétaire national Pierre Laurent, promoteur opiniâtre de la primaire de « La belle alliance ». C’est d’autant plus dommageable que de très nombreux militants communistes, déçus par l’inconséquence de la direction nationale, les mêmes que nous rencontrons sur le terrain et avec lesquels nous échangeons fraternellement – sans compter les membres du parti qui, sur la scène politique nationale, appellent à la raison, telle Brigitte Dionnet –, ont compris que la clé réside dans l’émergence d’un grand mouvement politique visant l’émancipation, et non pas la conservation des boutiques. Dans leur écrasante majorité, ce n’est plus ce que les gens veulent.

Mais ce n’est pas tout. Non seulement les responsables du PCF local font bande à part, mais en plus ils ont recours à des méthodes que l’on croyait d’un autre âge. Le premier tract distribué témoigne de l’impréparation des candidats, mais aussi d’une sournoise tentative de déstabilisation. Le recto, d’abord : les candidats Yves Rémy et Farida Atigui posent avec en fond le visage de Jean-Luc Mélenchon. Les mots d’ordre ? « Rassembler le peuple, rassembler la gauche », et « Unis, on gagne ». C’est donc pour cela, bien sûr, qu’ils se présentent contre le PS autant que contre les candidates investies par FI et soutenue par Jean-Luc Mélenchon, tout en prétendant appartenir à un mystérieux « Comité citoyen vote Mélenchon 2017 ». Unis, d’accord, mais tout seuls, et en sachant mieux que Jean-Luc Mélenchon lui-même qui est le candidat susceptible de le représenter localement. Autrement dit, comment saboter une dynamique qui avait porté le candidat de la FI en tête à Melun ou Dammarie-les-Lys, et en troisième position sur toute la circonscription au premier tour des présidentielles. Au verso du tract, ce n’est pas mieux. Idées non hiérarchisées, mots d’ordre non définis, précipitation : à la patiente explication d’un programme, les rédacteurs préfèrent le florilège des propositions « à effet » dépourvu d’une vision d’ensemble et par là même banalisée. « Il faut des député-e-s qui voteront contre la loi lui permettant » « de “réformer” le code du travail par ordonnances » ? C’est une pure incantation : nous n’en aurons aucun-e si la candidature de la FI est torpillée ! Last, but not least, les candidat-es de la section melunaise du PCF ont récemment ajouté à ce premier tract une publication plus longue, dans laquelle la malveillance, le dénigrement et la hargne contre notre candidature s’expriment sans détour. « Vos députés de l’honnêteté et de l’humain » ainsi qu’ils se définissent sans honte ont fait de nous leurs principaux adversaires au mépris de l’idée dont ils se revendiquent et qui aurait dû nous rapprocher. Au mépris surtout des électrices et des électeurs qui veulent voir gagner l’idéal humaniste social et écologique que nous incarnons.

Alors, la panique de tout perdre peut-elle justifier le cynisme de compter sur des bulletins glissés dans les urnes par mégarde par des électeurs dupés, parasitant ainsi un travail collectif de longue haleine qui porte aujourd’hui ses fruits, dans le seul but de poursuivre des intérêts personnels ? Quel aveu d’impuissance et quel mépris des électeurs les moins armés politiquement ! Tout cela nous rappelle ces mots d’Aimé Césaire dans sa lettre à Maurice Thorez, en octobre 1956 : « au nom du Socialisme, des bureaucraties coupées du peuple, des bureaucraties usurpatrices et dont il est maintenant prouvé qu’il n’y a rien à attendre, ont réussi la piteuse merveille de transformer en cauchemar ce que l’humanité a pendant longtemps caressé comme un rêve : le Socialisme. » Les porte-parole de la section locale du PCF s’entêtent dans ce bureaucratisme usurpateur. Ils prennent le risque de nourrir les représentations d’une « gauche divisée » tout en appelant au « rassemblement ». Ils pensent sauver la face, sans doute. Ou bien, et c’est tout aussi probable, espèrent-ils ainsi grignoter un peu de financement public à défaut de gagner ? Mais combien ces gesticulations sont coûteuses. Que de temps perdu à contre-argumenter alors qu’il est urgent de confirmer l’excellent score de la FI au premier tour des présidentielles ! Tandis que les responsables de la section melunaise du PCF donnent à croire qu’ils font campagne et culpabilisent les Insoumis.e.s, nous en ferons désormais fi et continuerons à mobiliser autour de L’Avenir en commun. Car c’est seulement en nous concentrant sur l’essentiel, c’est-à-dire les idées contenues dans un programme construit de longue date, que nous serons en mesure de l’emporter au Parlement.

Bénédicte Monville et Fatiya Ammad-Mothay

Et les Insoumis-es de la première circonscription de Seine-et-Marne

https://blogs.mediapart.fr/benedicte-monville/blog/270517/la-mort-et-le-neant-ou-comment-soutenir-macron-en-faisant-campagne-contre-la-fi?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-67

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